Le très Honoré Frère Athanase Émile

Natif de Bourdonnay, diocèse de Metz (France) né le 06 août 1880, décédé à Rome (Maison Mère), le 10 septembre 1952 dans la 73° année de son âge, la 56° de vie religieuse, la 45 ° de profession perpétuelle et la 7° de son généralat. Supérieur Général du 19 mai 1946 au 10 septembre 1952.

Vingtième successeur du fondateur des Écoles Chrétiennes Saint Jean Baptiste de la Salle.

Extraits de la biographie écrite par Georges RIGAULT en 1953.

Lorsque les Frères des Écoles Chrétiennes lui ont demandé d'écrire l'histoire du Très Honoré Frère Athanase Émile, il écrivit « Je vous dois une reconnaissance très grande de me confier le soin de la biographie du T.H.F. Athanase Émile, plus on connait l'homme et le religieux, plus on s'attache à lui. J'ai eu l'occasion à de nombreuses reprises de l'accompagner à travers le monde lorsqu'il rendait visite à des écoles se situant sur les 5 continents, oui c'était un infatigable pèlerin. Sa connaissance de très nombreuses langues (excepté le Hongrois et quelques autres) son approche des gens qu'il venait visiter, son imposante personnalité, chef éminent, réalisateur à l'infatigable activité, d'un dévouement total à la gloire de Dieu et au bien de l'institut, grand religieux à la vie intérieure profonde, tout généré d'esprit surnaturel, homme de cœur sous des airs parfois impérieux et qui savait manifester sa bonté dans les plus délicates intentions ». 

Présentation de Bourdonnay et de cette région de Lorraine annexée par l'Allemagne.

Sa Lorraine natale, c'est la région d'entre la Moselle et les Vosges, terroir de riches cultures, cerné de prairies, de forêts, d'étangs, et vers l'Est recelant les mines de sel. Une guerre malheureuse pour la France, a dressé une frontière entre Nancy la capitale, et Metz, l'antique cité romaine et épiscopale. Mais, de part et d'autre, ni les horizons ni les travaux, ni les cœurs ne changent. Les attelages de robustes chevreaux ne cessent de tirer la charrue dans la glèbe aux mottes pesantes. Les habitants restent à l'image du pays : vigoureux, disciplinés, raisonnables et, sous leur froideur apparente, capables d'élans splendides et de profond attachements pillés et ravagés durant des siècles, ils conservent, avec l'âpre amour du sol, un courage indomptable

Ce sont des gens vieille civilisation, une élite rurale, formée par le christianisme et la latinité. Ils ne se dérobent jamais aux combats, mais ils apprécient la paix, ses labeurs et ses loisirs, Ils justifient par leur comportement habituel, et en dépit de tous les malheurs du passé lointain, du passé proche, ce que le poète AUSONE écrivait de leurs ancêtres : « O Moselle, la nature a donné à tes enfants, sous un front sévère, un esprit joyeux ». Ausone ou Decius ou Decimus Magnus Ausonius, est né en Aquitaine soit à Bazas (Gironde) soit à Burdigala (actuelle Bordeaux) en 309/310 et mort en 394/395 ap. J.-C

Le village et la famille du futur Supérieur Général ne démentent point ces traits généraux. Bourdonnay, qui appartient à l'arrondissement de Château-Salins et au canton de Vic Sur Seille, présente une physionomie pareille à celle de bien d'autres agglomérations lorraines : maisons à toits rouges, plantées de part et d'autre d'une grande route, encadrées par les labours, les prés, l'étang, le cimetière. 

La chaussée se dirige vers Saverne et l'Alsace. On peut évoquer ici des souvenirs de très vieilles histoires. Bourdonnay figure, en 1256, dans une charte de l'abbaye de Vergaville; en 1352, dans une charte de l'abbaye de Haute Seille. Plusieurs dynasties seigneuriales s'y succèdent aux cours des âges. Leurs possessions voisinent avec des terres qui relèvent de l'évêché de Metz, avec des dépendances de la Chartreuse de Bosserville. Sur la hauteur, se voient les restes du château des princes de Salm. 

Les révolutions et les guerres ont passé par là. Au XVIII ° siècle, sous les coups des soudards de la Guerre de Trente Ans, ce fut la destruction complète. Il ne restait qu'environ 30 % de la population. En 1661 fin des hostilités en Moselle (alors que le traité de Westphalie était lui signé en 1648).

Extrait sur Internet; repeuplement de la Moselle : « Déjà à cette époque il a été fait appel à l'immigration avec de gros avantages fiscaux pour les postulants. Dés 1663 on note la présence de colons originaires de Picardie et du Vermandois, en particulier autour de Dieuze et Lorquin.» ici et ici

La paix française permit de reconstruite un peu plus loin le village, à partir de 1665 . En 1790, Vic et sa région furent compris dans le département de la meurthe. Et Bourdonnay devint alors pour un certain temps, le chef lieu d'une circonscription cantonale.

Extrait du livre « Statistique administratif et historique du département de la meurthe » auteur MICHEL sous chef à la préfecture de Nancy écrit en 1822.
Version Numerique

BOURDONNAY, village considérable de l'ancien évêché de Metz, au pied de la montagne de Marimont :

Mairie,  à 18 km S.E. de Vic, chef-lieu du canton (district de Vic) entre 1790 et fin 1801

10 communes font parties de ce canton : Bezange la Petite ,  Bourdonnay,  Coincourrt,  Donnelay,  Lagarde, Ley, Maizières les Vic,  Moncourt, Ommeray,  Xures Le village fut ensuite rattaché au canton de Vic sur Seille, à 24 km Sud .Est. de Château-Salins, chef-lieu d'arrondissement, et à 47 km à l' Est. de Nancy .

Succursale; relais de poste.  1020 individus 228 feux, 120 habitations. 

Anc. Génér. Et anc. Cout. De l'évêché de Metz, anc. Baillage de Vic. Surface territoriale, 1664 hectares; en terre s lab. 1034, en bois 419, et en près 203.   Ecart : le Château de Marimont; étang, Mesures, voy. Vic; boite aux lettres Moyenvic., relai de diligences.

La direction administrative et religieuse, c'est désormais Nancy, jusqu'au traité de Francfort..

Guerre de 1970

L'Alsace et la Moselle deviennent "Terre d'Empire" (Reichsland). La loi du 06 septembre 1871 proclame que "les provinces d'Alsace et de Lorraine [Moselle], cédées par la France par les préliminaires de paix du 26 février 1871, dans les limites fixées par le traité de paix du 10 mai 1871, sont à jamais réunies à l'Empire d'Allemagne "; en septembre 1871 Eduard von Moeller (1814-1880) est nommé Oberpraesidium (Président supérieur).

Les Alsaciens-Mosellans ont la possibilité d'opter pour la Nationalité Française jusqu'au 30 septembre 1872 (et jusqu'au 30 septembre 1873 pour les résidents hors d'Europe). 128 000 Alsaciens-Lorrains (soit environ 8, 5 % de la population dont 50 000 jeunes gens de 17 à 20 ans) optent pour la France; 70 000 s'installeront en Algérie. [Sur 1 800 000 habitants en Alsace-Lorraine, en 40 ans, 260 000 ont émigrés vers la France (régions industrialisées), 330 000 vers l'Amérique, 400 000 immigrés allemands.]. Le 1er janvier 1874, la Constitution de l'Empire d'Allemagne est mise en vigueur en Alsace-Lorraine. Les Alsaciens-Lorrains enverront 15 députés au Reichstag. Le 29 octobre, une délégation régionale est créée (Landesaußchuss). Le 02 mai 1877, l'Alsace obtient l'autorisation de délibérer sur les lois à émettre par le Kaiser (l'Empereur d'Allemagne). Cette autorisation sera élargie le 04 juillet 1879 au droit de faire des propositions de loi. Un Statthalter, représentant le Kaiser, est nommé à Strasbourg, où il est assisté d'un ministère d'Alsace-Lorraine (un secrétaire d'État, trois sous-secrétaires), deux conseils renouvelés tous les trois ans : la Délégation (élue) 58 membres et le Staatsrat (Conseil d'État) 12 à 16 membres nommés par l'empereur. Aux élections du 21 février 1887, tous les protestataires sont élus, dont Auguste Lalance (1830-1920) devenu partisan de la réconciliation. 1888 -1-6 passeport jusqu'en 1900. 1911 -31-5 Constitution (Landesausschuss aboli). L'empereur exerce le pouvoir souverain, et à la tête du gouvernement est placé le Statthalter, nommé et révoqué par lui; le pouvoir législatif est exercé par l'empereur et la Diète (Landtag) installée à Strasbourg avec 2 chambres : 1re Chambre : 5 représentants des communautés religieuses, le Pt de la Cour suprême de Colmar, 1 représentant de l'université de Strasbourg, 4 des villes les plus importantes (Strasbourg, Metz, Colmar et Mulhouse), 1 de la chambre de commerce de chacune de ces villes, 6 de l'agriculture, 2 des métiers, et un nombre de membres, nommés par l'empereur pour 5 ans, qui ne doit pas excéder le nombre des autres membres. 2e Chambre : 60 députés élus pour 5 ans au suffrage général direct et secret. 1914 -31-7

L'Alsace et une partie de la Lorraine sont annexées par le traité de Francfort le 10 mai 1871, formant le Reichsland Elsass-Lothringen au sein du nouvel Empire allemand..

BOURDONNAY prend en 1915 le nom allemand de Bortenach

Puis voici les lorrains de Bourdonnay insérés dans le Reichsland. Ils disent comme leurs compatriotes messins : « c'nam po tojo ! » (Ce n'est pas pour toujours !).

Les événements de 1914/1919 leurs donnent raison. La France recouvre ses régions perdues. La Lorraine « désannexée »

Les limites entre les diocèses de Metz et de Nancy demeurent telles qu'après 1870. La paroisse de Bourdonnay garde ainsi obéissances à ses évêques des jours très anciens.

La vie continue « entre les deux guerres ». Surviennent les désastres 1940, une partie de la population est expulsées sur l'ordre d'Hitler,  le 13 novembre 1940.. L'Alsace-Lorraine est annexée de facto au troisième Reich nazi le 27 novembre 1940.

En 1944, l'armée allemande, en sa retraite, dynamite l'église du village, afin que sur la route les débris de l'édifice se dressent en obstacle à la poursuite des vainqueurs. Les rapatriés trouvent partout des ruines, s'installent en des logis d'infortune, avec l'espoir des reconstructions. Les offices religieux se célèbrent dans une baraque en planche surmontée d'un clocheton.

En 1952, on ne compte plus que quatre cents âmes dans la commune 

Louis Arthr RITIMANN : sa jeunesse :

Très Honoré Frère Athanase Émile (1880 - 1952) nom civil : Louis-Arthur RITIMANN, né le 6 août 1880 rue du Pont Marin (ancienne maison Brablin) à Bourdonnay (la Lorraine était alors annexée).

Son acte de baptême :

L'an de grâce mil huit cent quatre-vingts, le huit août a été baptisé Louis-Arthur, né le six fils de Joseph RITIMANN, cultivateur et de Virginie CLERGE son épouse de cette paroisse. Le parrain a été Joseph Ritimann, fils mineur des parents sus-nommés, la marraine a été Marie Ritimann, fille mineur d'Auguste Ritimann cordonnier à Bourdonnay et de Marie BOURGEOIS. Suivent les signatures du jeune parrain et marraine et celle du curé, l'abbé DECRION.

Ritimann : le nom de consonance germanique. L'aspect physique, le tempérament, plusieurs traits du caractère du Frère Athanase Emile laissaient supposer une ascendance de même origine. Français d'un patriotisme ardent, sinon exclusif, il affirmait que son « vrai nom » était Rédiman » et, pour atténuer ce qu'il jugeait une germanisation abusive, il prit l'habitude de signer « Ritiman » les pièces officielles où son nom devait figurer. 

Note de Christian COLOMBERO :

Cependant il y a une erreur de la part du frère Athanase, selon une recherche effectuée plus tard par Edmond Rtimann les origines de la famille sont SUISSE alémaniques de la région de Bâle, c'est la raison pour laquelle lors du repeuplement suite à la guerre de trente ans ils se sont installés à REDING et ont rejoint au départ la Lorraine germanophone. La profession mentionnée dans les archives était « viticulteur». …

Comprenons ces sentiments et ce geste de la part d'un « Lorrain annexé ». Sans doute attarder à l'obscur problème de la race, contentons nous de parler de l'honnête, modeste et chrétienne famille.

Le grand père Jacob RITIMANN, venait de Réding. Époux de Catherine GAUDEL, qui était native de Bourdonnay. Il fixa son foyer au pays de sa femme et à ses occupations agricoles il joignit le service du courrier par diligence. De ses trois fils, Joseph, Auguste et Rémy, l'aîné, quand il fut en âge de gagner son pain, se plaça comme ouvrier de ferme sur le domaine de Marimont. En 1865, il se maria.

Le 12 septembre de ladite année, dans l'église de Bourdonnay, fut bénite, par l'abbé MONIN, curé d Ommeray, délégué par le légitime abbé des conjoints, l'union de Joseph Ritimann et de Marie Virginie CLERGE; fille d' Augustin CLERGE et de Marie Rose POULINOIS.

.Le ménage eut six enfants : Joseph, né en 1866, de 1868 à 1876, Alphonse, Jules, Marie, Joséphine, et en 1880 le benjamin Louis –Arthur. Un logis provenant de la famille CLERGE abrita les premiers berceaux. Puis le jeune père, aidé de son frère Remy, construisit lui-même une maison « sur le chemin allant à Marimont » rue du Pont Marin maison où ensuite vécu de la famille BRABLIN Charles .C'est là – déclare l'autobiographe- que virent le jour les quatre derniers nés.

Et voici de la même plume, une vivante et pieuse esquisse des parents : « Mon père, homme de grand bon sens et chrétien, fut pendant presque toute sa vie le chantre bénévole à l'Église. Sa voix bien timbrée lui fit donner dans le village le surnom de « Camuse », pour sa manière de chanter le Benedicamus. Il assistait dévotement à tous les offices… Il était, en outre,  fort charitable : les colporteurs, les routiers étaient sûrs de trouver chez lui, gratuitement, le gite et le souper enfin je fus amené à prendre part à cet exercice de l'hospitalité chrétienne.

« de ma mère, je n'ai que des souvenirs édifiants…La bonté était bien la caractéristique de cette femme laborieuse et économe qui subvenait aux besoins de tous avec de modestes ressources »… « Elle aurait peut être manqué de fermeté » ajoute la narrateur qui ne veut pas être panégyriste.. Une photographie en sa vieillesse montre un regard et une bouche plutôt sévères, un ensemble de traits qui témoignent d'une ressemblance assez frappante avec le Supérieur Général. Fils et filles furent sérieusement élevés, ce n'est pas douteux. L'ainé Joseph, décédé à vingt ans d'une accidentelle maladie de poitrine, laissa parmi les siens la mémoire d'un « jeune homme accompli ». Si le cadet, Alphonse, eut moins de vertus et instable, « d'humeur bizarre », s'en alla travailler, célibataire, ouvrier en métallurgie à Nancy, où il mourut en 1922. Le troisième Jules, boulanger à Bourdonnay, « se fit aimé de tous », . Jules RITIMANN est décédé accidentellement écrasé par un sac de farine il avait 37 ans. C'est son fils, Edmond qui seul aujourd'hui maintient le nom des RITIMANN au pays natal. (Edmond RITIMANN cafetier, buraliste & apiculteur est décédé le 20 août 1991, il avait été marié à Yvonne GRELIN et avait eu 2 filles Geneviève et Ginette, habitantes de Bourdonnay. (mais aucun garçon…).

Marie la future Madame LECLERC, apparaît, dans les « notes familiales » du Frère Athanase, « créature intelligente, de caractère viril, de cœur très délicat et dévoué sous une enveloppe un peu rude ».Ses études de sage-femme devaient lui permettre,  durant de très longues années, de rendre mille services à la population de Bourdonnay et des localités avoisinantes. Sa famille habitait rue derrière l'Église.

« Ange au foyer » ainsi Joséphine est qualifiée par son frère. Elle fut douce et bonne, et d'une piété toujours exemplaires : fidèle à la messe quotidienne, à la communion fréquente. Renonçant au couvent, qui l'attirait, elle prit soin de son père et de sa mère. Sur le tard, elle épousa Edmond HENRIET. Elle mourra en 1944 exilée par la guerre dans le lointain Languedoc

La « tête du petit groupe » c'était Marie, au témoignage reconnaissant d'Arthur. La sœur ainée certifie que le bambin possédait heureux caractère; il savait obéir, n'allait pas « batailler » avec les gamins du village. Pourtant, il lui advint de se laisser entraîner. à la cueillette du muguet ou des fraises par « le Picard » un camarade que la flânerie tentait. L'escapade ne se prolongeait guère : marie ramenait Arthur aux besognes utiles.

L'église, l'école, les champs, là cette jeune existence trouvera les cadres aimés, la vivifiante atmosphère. En Saint Remy de Bourdonnay, où il a été baptisé – spacieux et clair sanctuaire aux riches retables—l'enfant est admis à la première Communion, le 28 mai 1893. Trois ans après, le 18 mai 1896, c'est en l'église Saint Michel de Maizières les Vic que l'adolescent reçoit le sacrement de Confirmation des mains de Monseigneur CHARBACH, évêque auxiliaire de Strasbourg.

Le prêtre qui la d'abord baptisé, catéchisé et dirigé; l'abbé Joseph Décrion est mort le 20 mai 1894, « le jour de la très Sainte Trinité, après soixante ans de vie sacerdotale ». il était né en 1809 à Ommeray village tout proche de sa future paroisse. Selon le frère Athanase, il aurait commencé son ministère à Bourdonnay dès 1834. Peut être fut-ce en premier lieu, comme auxiliaire de son prédécesseur, ainsi que lui-même devait être par la suite « assisté » d'un abbé NOIRCLAUDE. .Il n'est qualifié curé de Bourdonnay qu'à partir de 1869. « Saint prêtre, un peu teinté de jansénisme », dit de lui son ancien enfant de cœur. Il ne poussait pas à la Communion, tenait à ce que l'on se confessât chaque fois que l'on souhaitait se présenter à la sainte table, et donnait des pénitences très fortes. Tous les jours après la classe du matin de 11 hrs à midi,  il faisait son catéchisme, auquel tous les enfants de huit à quatorze ans devaient assister. .. La vie chrétienne était fortement organisée dans la paroisse, messe quotidienne prescrite à tous les enfants dès leur neuvième année; grand messe d'une durée moyenne de deux heures (sans chauffage en hiver); vêpres considérés par tout le monde comme obligatoires; confrérie de Saint Sébastien pour les hommes et les jeunes gens, de la très Sainte Vierge pour les jeunes filles, de Sainte Anne pour les femmes mariées. ».

Sa jeunesse 2 ° partie :

Arthur R sert souvent la messe de 7 heures en semaine : il a, dans l'église paroissiale, titre et charge de premier enfant de cœur. Lorsque M l'abbé Décrion va célébrer en la chapelle du château de Marimont, le fidèle servant l'accompagne. C'est aussi à Marimont que les clergeons, durant la semaine sainte,  courent annoncer l'office au moyen de leurs crécelles ce qui s'appelle

« ténébrer ».

Bientôt le jeune garçon secondera son père au lutrin (Pupitre sur lequel on pose les livres de messe) . Il chantera, saura par cœur, introïts,  (Chant grégorien récité lors de l'entrée du prêtre pratiquant la messe romaine ) antiennes (Verset qui est chanté avant et après un psaume ) et psaumes, prenant le goût de la liturgie et notamment la liturgie romaine que l'Église de Metz adoptait dès le VIII° siècle à la suite du fondateur de l'Abbaye de Gorze, Saint CHRODEGANG.

Le travail scolaire du petit Lorrain est allé de pair avec son initiation chrétienne. Trois religieuses de la Providence de Saint Jean de Bassel s'employaient à Bourdonnay : sœur Modestine s'occupait de la sacristie et d'un ouvroir et visitait les malades; sœur Augustine était chargée de l'école des filles; sœur Marguerite de l'école enfantine. Ce fut donc la troisième qui enseigna l'alphabet au benjamin des Ritimann. Arthur était « d'une intelligence précoce », il sut lire à l'âge de 4 ans. Passant des mains de sœur Marguerite aux classes primaires tenues par l'instituteur communal Monsieur REMILLON, il s'affirma tout de suite excellent élève. La place du premier, tôt conquise, il la céda rarement durant ses huit années d'études.

M. Remillon –écrit-il—était un maître de vieille race et un très bon chrétien ». Chaque jour il assistait à la messe. Comme tant d'instituteur d'autrefois, il exerçait les fonctions de chantre ,

« Camusse » demeurant son substitut, en raison des empêchements fréquents et de la santé fragile du titulaire.

En ce qui concerne l'éducateur, quelques réserves s'imposent au mémorialiste : « M Remillon manquait d'autorité et de psychologie. La surveillance, hélas ! restait aussi trop déficiente …. Et pour obtenir l'ordre, le grand argument était le bâton. ».en revanche l'enseignement ne méritait guère que des éloges le catéchisme et l'histoire sainte étaient expliqués « avec zèle et compétence ». Tous les samedis on apprenait à l'école, et on devait réciter

« imperturbablement », L'évangile de la messe dominicale. S'y ajoutait souvent la lecture de l'office propre dans le « paroissien».

L'instruction profane était pareillement poussée, Arthur possédait, à quatorze ans un bagage sérieux » de connaissances élémentaires. La grande lacune provenait de la situation spéciale et bien pénible, des Lorrains de langue française dans le Reichsland : toutes les leçons a l'exception du catéchisme, se donnaient en allemand. Orles enfants, dans leurs familles ne s'exprimaient qu'en français ou en patois. Les gens se refusaient de parler l'idiome du vainqueur. . Avec la même obstination patriotique, la jeunesse ne retenait du vocabulaire et de la grammaire germanique que des notions insuffisantes. D'autre part, elle ne connaissait de sa langue maternelle ni l'orthographe ni les règles de syntaxe.

Plus tard le jeune frère Athanase remettra d'aplomb ces réalisations boiteuses. Pour l'instant, il ne parait songer qu'à aider son père dans les travaux des champs.

Depuis 1882, Joseph Ritimann avait pris à bail une ferme de quarante cinq hectares appartenant à un nancéien, Mr Émile REMY, et située au seuil du village, rue du chemin creux. Il s'était procuré un train de culture assez considérable : une douzaine de chevaux comme c'était nécessaire pour les labours dans la région; autant de bovins. Il luttait durement, les gains de ses récoltes n'ayant pas compensé des pertes de bétail. Afin de payer quelques créanciers devenus intraitables, il vendit ses propres terres. En 1894, cependant il renouvelait son bail pour douze années. Son désir tendait à préparer une situation stable à son plus jeune fils, l'aîné mort, les cadets en mesure de se pourvoir.

Dès l'enfance,  Arthur s'était familiarisé avec la terre. Ses frères, sa sœur Marie l'emmenaient aux champs près du bourg de la Garde, à plusieurs kilomètres de Bourdonnay.

Comme Charles Péguy, au fond de sa mémoire il retrouvera toujours

…la lourde nappe et la houle des blés. Le portail de la ferme et les durs paysans

Et l'enclos dans le bourg et la bêche et la fosse…

Il est bien bâti, robuste. Il tient ferme les mancherons de la charrue et trace des sillons profonds et droits. Sa famille lui a confié particulièrement le soin des chevaux. Il aime ses nobles bêtes. Au cours de son existence il ne verra jamais sans intérêt et sans plaisir un bel échantillon de l'espèce chevaline. Pour les animaux domestiques il gardera une sympathie plus encore « terrienne » que franciscaine.. 

Naissance de sa vocation :

Comment une vocation supérieure a-t-elle germé en cette plaine où l'adolescent rustique conduisait son attelage ? L'autobiographie nous renseigne à cet égard, très explicitement.

Elle nous dit en préambule, que si mainte jeune fille du village entrait au couvent des Sœurs de la Providence de Portieux ou de Saint Jean de Bassel, il n'y avait point,  parmi les jeunes gens de départ pour les séminaires ou les noviciats. Personne ne soulevait le problème.

Pourtant, avant même la Première Communion, une inquiétude traversait l'âme de Louis Arthur Ritimann. Il voulait utiliser sagement sa vie, préoccupé qu'il était surtout dans les destinées éternelles de chaque être humain. L'un de ses camarades Xavier MUNIER, s'étant noyé accidentellement, la pensée de la mort et du jugement s'imposa alors plus forte.

« Le sacerdoce m'attirait, confessa t-il. Mais les études préalables auraient exigé trop d'années et, pour ma famille trop de dépenses. » A d'autres heures, l'enfant songeait qu'il avait chance de réussir dans la profession de maître d'école, puis il reculait devant la perspective de la longue école de préparation et de l'existence de l'École Normale, loin des siens. « Mes parents avaient besoin de moi, et j'étais casanier. Et j'aimais les travaux de la terre. » Quelle décision prendre ? « Je le demandais à Dieu, dans le secret de mon cœur. Personne au monde ne se doutait de mon combat intime. »

Le temps coulait. :…

Vint l'année 1894 : au mois de mai, l'abbé Décrion mourut, remplacé d'abord par son auxiliaire, l'abbé Noirclaude qui malade dut se retirer bientôt. Le nouveau curé s'appelait l'abbé Isidore MOHR. Précédemment vicaire à Metz, en la paroisse Saint Eucaire, il s'y était trouvé en relations avec la famille HENNEQUIN, dont des membres, ancien élève du pensionnat de Longuyon, et pénitent du vicaire messin, devenait en 1890, le Frère Athanase de Jésus. De plus l'abbé Mohr était lui-même cousin du Frère Atétas-Matyr, sous-directeur de la maison rémoise de Contrai. Il nourrissait haute estime pour l'Institut lasallien, le connaissant et par les religieux, ses amis personnels, et par et par le renom que conservaient à Metz les Frères de Saint Vincent, le seul établissement de l'école française maintenu sous le régime allemand.

Mr l'abbé Mohr, prêtre jeune intelligent, distingué, apostolique, allait servir les dessins de la Providence sur Louis-Arthur. Ce ne fut toutefois pas sans se heurter à une volonté indépendante et ombrageuse.

Il faut bien croire l'intéressé, en ses humbles aveux. « Les deux Frères, nous dit-il demandaient assez souvent à l'abbé de leur trouver des postulants pour le noviciat.. Notre nouveau curé lors d'une première visite à mes parents, les entretint de leur fils, les assurant qu'il avait remarqué mes réponses au catéchisme de persévérance et que je serai bien à ma place dans l'Institut des Frères des Écoles Chrétiennes. Chose étrange, moi qui, gardais au fond du cœur le désir d'une vie tenant à la fois du ministère pastoral et de la profession d'instituteur, j'inclinai à répondre par un « non » catégorique. Ce que néanmoins en mon fort intérieur, je déplorais. J'étais je me semble, déçu, gêné,  de voir mes sentiments intimes pénétrés par des tiers. Aux Pâques suivantes –en 1895—ma secrète rancœur à l'égard de l'abbé Mohr m'empêcha de m'adresser à lui pour la confession ».

Un dimanche de septembre le Frère Atétas-Matyr parut dans le chœur de l'église de Bourdonnay. Son costume suscita la curiosité publique. Et le village apprit que le cousin de Mr le curé venait chercher et emmènerait au petit-noviciat de Reims Émile ROUSSELOT, l'un des enfants de chœur.

Émile était un très cher camarade d'Arthur. Les deux garçons, après les vêpres, cheminèrent ensemble. Arthur reprocha son silence à Emile. In petto, il s'affligeait de s'être laissé devancer. Mais « le respect humain, confesse –t-il, me fermait la bouche ».

Une fois à Reims, le jeune Rousselot écrivit à sa famille qu'il était heureux et souhaitait à son ami Ritimann le même bonheur. « Je ne voulus pas lire ses lettres.. » en avril 1896 le père et la mère du petit novice allèrent le voir, revinrent « enchantés ». « Je ne voulus pas les entendre. » ils racontèrent leur voyage à M le Curé, et lui parlèrent des intentions d'Emile au sujet du récalcitrant Arthur.

« Ce fut le coup décisif. Appelé au presbytère, j'y fus invité à dire, une bonne fois, ce que je voulais. Me sentant deviné, mon premier mot fut de répondre que les Rousselot se mêlaient de ce qui ne les regardait pas. Puis, fondant en larmes, puis j'avouai que je pensais à ce gendre de vie, même sans la connaître, depuis quatre ou cinq ans, et que je luttais contre cette inspiration. M le Curé me témoigna une grande bonté et, finalement, me posa la question : « Veux-tu partir, oui ou non ? ». Je répondis : « Oui ! » et j'ajoutai .. « Le plus tôt possible ! » « J'étais pressé de fuir les commentaires du village. –'C'est bien, conclut l'abbé Mohr,  : demain à midi et demi,  j'irai parler à ton père et à ta mère. »

« Le lendemain à l'heure dite, on annonce M. le Curé. Frères et sœurs se défilent et, dans la pièce la pièce principale, « le poêle ** » comme on l'appelait en Lorraine, mes parents demandent à notre pasteur ce qui leur veut l'honneur de sa visite. Il les met au courant de ce qui s'est passé la veille, et déclare qu'il s'agit d'une vocation sérieuse. On m'appelle : »Veux tu vraiment nous quitter, interroge mon père, pour te donner à Dieu ? » --« Oui je le veux. » « As-tu bien réfléchi ? »--« Voilà quatre ans que j'y pense. »--« Pourquoi ne nous as-tu rien dit ? ». – « Le moment n'était pas venu et je ne voulais pas contrecarrer vos projets. »--« Si c'est on idée je ne veux pas te refuser au bon Dieu, mais si tu pars ne reviens pas. ! ». M le Curé s'engage alors à écrire à Reims, pour l'arrangement définitif.

**L'habitation Lorraine en général aligne 3 pièces, une cuisine centrale située entre deux chambres (une côté façade appelée poêle ou belle chambre et une côté jardin)..

« Huit jours après nouvelle visite, présentation de la feuille à souscrire par mon père, s'il consent à m'envoyer au petit-noviciat. Derechef, il m'interroge. Après ma réponse affirmative, il signe et s'éloigne en pleurant. Je n'avais pas vu couler ses larmes depuis la mort de mon frère ainé.

« Dans la soirée, en tête à tète, il me confia : « Tu as seize ans; les frères et sœurs ne vont pas tarder à s'établir; j'avais pensé à toi pour continuer le bail de la ferme. Je comptais sur toi pour me couper mon dernier morceau de pain. Pourtant, je n'ai pas de regrets. Que Dieu te bénisse ! Tu prieras pour nous quand nous ne serons plus. »